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À vos marques, prêts ? Archivez ! 

Sur une photo en noir et blanc, des coureuses franchissent des haies

©AD Indre-et-Loire

À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques 2024, une vaste collecte de documents, photos et souvenirs liés au sport est organisée dans toute la France. Une aventure collective dont les contours et les enjeux – notamment pour les historiens du futur – ont été dessinés lors d’une passionnante matinée de lancement, vendredi 23 juin, aux archives départementales de la ville (très sportive) de Tours. 
 
Nous avons tous, dans notre entourage, des membres de notre famille, des proches, des amis qui ont développé, à un moment de leur vie, une relation très forte à un sport. Cet oncle qui participait à des courses de vélo sur route, en Bretagne, à l’époque de Bernard Hinault, et a précieusement gardé tous ses dossards ! Cette sœur aînée qui a gagné les championnats régionaux de tennis de table en 1994-95, et était par ailleurs comptable du club omnisports de sa ville. Cette amie qui était arbitre de judo, dans les années 1980, à une époque où peu de femmes tenaient ce rôle si important sur les tatamis français… À toutes ces personnes dont l’engagement et la passion sportive ont beaucoup à nous apprendre, dites-le haut et fort : leurs souvenirs, leurs témoignages, leurs objets personnels intéressent les historiens d’hier et aujourd’hui. 

Il y avait quelque chose de très joyeux à entendre, vendredi 23 juin, à Tours, Françoise Banat-Berger (cheffe du service interministériel des archives de France au sein du Ministère de la Culture) lancer cette invitation à haute voix : à vos marques, prêts ? Archivez ! À ses côtés pour poser les contours de l’opération se trouvait le journaliste et homme de radio Emmanuel Laurentin, dont on connait le talent pour « faire parler les archives » et mettre de la chair (et des émotions) dans les récits historiques. L’un comme l’autre, au moment de lancer trois heures de débats et d’échanges avec le public présent, ont rappelé les grands traits du projet : l’imminence des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, en France, nous rappelle l’importance de préserver et de valoriser le patrimoine et la mémoire du sport. C’est une occasion à saisir ! Le moment idéal pour ouvrir en grands nos placards et nos tiroirs – de la même manière que cela fut fait à l’occasion de la Grande Collecte de la Grande Guerre (1914-1918) il y a quelques années, avec le succès populaire que l’on sait.  
 
Qui est concerné par cette Grande Collecte du Sport ?  
 
Réponse : tout le monde. Les fédérations sportives, les clubs (les grands comme les petits), les athlètes, les entraineurs, les dirigeants… Hommes comme femmes, avec une invitation formulée plus fortement encore en direction de ces dernières, toutes ces figures féminines souvent restées dans l’ombre, dans les clubs et les fédérations, dans les gymnases et les stades. Mesdames, mesdemoiselles, vous qui avez la passion du sport, du collectif, du « faire ensemble » et du « vivre ensemble », vous qui avez si souvent entraîné des athlètes ou encadré des compétitions, l’occasion vous est ici donnée de raconter et partager vos engagements. Vous avez gardé de la documentation, des cahiers de résultats, des affiches, des tracts, des bulletins, des lettres d’infos, des photos de déplacements en équipe, des procès-verbaux d’assemblée générale de votre club ou de votre fédé ? Partagez-les, partageons-les. 
 
Emmanuel Laurentin rêvait de ce grand moment de collecte populaire depuis quatre ans déjà. « Évidemment, les Jeux nous donnent l’occasion rêvée pour le faire. Et le faire en grand, tout en restant fidèle à l’esprit des Jeux, qui rassemblent le sport de très haut niveau et la pratique amateur… Pendant longtemps, l’histoire du sport a été celle des records, et donc l’histoire des champions et des championnes. Cette dimension-là est très riche, très documentée. Mais ça n’est pas le cas du sport amateur, dont les récits et les traces peuvent tomber dans l’oubli si on n’y prend pas garde. »  
 
Le sport : un fait social global 

Désormais, expliquent Emmanuel Laurentin et les spécialistes d’histoire présents à ses côtés lors du lancement à Tours (Stéphanie Sauget, Eric Alary, Rémi Pailhou…), « on regarde le sport comme un fait social global : il y a des stades dans tous les villages de France, et c’est l’ensemble de la pratique, même à un niveau modeste, qui intéresse les historiens. » Qui entraîne qui, et comment ? Qui conduit la camionnette pour emmener l’équipe de rugby locale aux confins du département ? Dans les villes, comment sont recrutés les jeunes sportifs et sportives de tel ou tel quartier ? Pour quelles raisons choisissent-ils tel club ou bien tel autre, et pourquoi le karaté, ou le tennis, la natation, le tir à l’arc ? 

Professeure d’histoire à l’Université de Tours, Stéphanie Sauget se dit particulièrement intéressée « par l’idée que nous allons pouvoir récolter un grand type de choses, de documents, de souvenirs personnels… Pour les historiens qui auront la chance de donner du sens à cette collecte, tout peut être potentiellement intéressant. Le tarif des billets dans les tribunes, le nombre de gens présents à un match, tout ça fait sens, et nous raconte des choses sur la vie des gens. » 

Françoise Banat-Berger va dans le même sens quand elle insiste sur l’idée que « chaque Français possède ses souvenirs sportifs liés à un loisir, une compétition, un cours d’éducation physique. Le sport a bouleversé nos paysages urbains et ruraux, nos habitudes culturelles, transformé nos temps de loisirs, modifié nos rapports au corps, participé au développement économique et suscité des moments de communion. » 
 
Comment partager ses archives ?  
 
La Grande Collecte est une opération nationale pilotée par le Service interministériel des Archives de France (Ministère de la Culture), en partenariat avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et l'Académie nationale olympique française (ANOF). Un comité de pilotage a été mis en place pour suivre et soutenir cette action ; il est composé d’une vingtaine de personnalités comprenant des collègues du réseau des archives, des délégués ministériels aux JOP, des représentants du Comité d’organisation de Paris 2024, des universitaires et des institutions partenaires (Comité national olympique et sportif français, Académie nationale olympique française, BnF, Musée national du sport). Aux côtés d’Emmanuel Laurentin, l’ancienne championne cycliste Marie-Françoise Potereau (actuellement vice-présidente du Comité national olympique et sportif français) est l’autre « ambassadrice » de l’opération nationale. 

La Grande Collecte, qui bénéficie du label « Olympiade culturelle », est mise en œuvre par les services publics d'archives au niveau local. La participation à la Grande Collecte est laissée à l’appréciation de chaque service d'archives qui en fixe le calendrier (dates), le public visé (clubs, grand public, scolaires), le contenu (choix d’un sport en particulier, d’une thématique), les types de documents. 

À titre d’exemple, on peut citer le partage des archives du célèbre et prestigieux Racing Club de France, créé en 1882 dans l’Ouest parisien. Le 6 juin dernier, le président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine s’est vu remettre, en dépôt, par le président du club, des milliers de documents. Ces archives seront conservées et valorisées par les Archives départementales des Hauts-de-Seine.